expulsions=pogroms

Publié le par KAVYART



On nous a fait passer ça:

"Quand on est venu arrêter les catholiques, je n'ai rien dit, parce que je
n'étais pas catholique. Quand on est venu arrêter les juifs, je n'ai rien
dit parce que je n'étais pas juif. Quand on est venu arrêter les
communistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas communiste. Quand on
est venu arrêter les socialistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas
socialiste. Quand on est venu me chercher, il n'y avait plus personne pour
me défendre."     Pasteur allemand Niemöller
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Notre tour viendra,
notre tour est venu !
 
Né à Montreuil le 4 février 1937 et demeurant depuis trois ans à Bagnolet
dans le 93, je me dois de porter à l'attention de mes concitoyens les faits
suivants, dont j'ai été témoin et victime :
 
Le Mardi 11 octobre, j'ai été mis au courant par des voisins de l'expulsion
des familles ivoiriennes habitant 2, passage du Gazomètre à Montreuil. Ma
femme et moi, nous sommes rendus immédiatement sur les lieux pour leur
porter assistance. Il a été décidé avec les familles et les personnes
solidaires d'aller occuper la Maison de quartier Lounes Matoub, 4-6, place
de la République à Montreuil, pour abriter les familles et les enfants ainsi
que leurs affaires et ainsi interpeller la Mairie de Montreuil sur la
nécessité de leur relogement. Un grand mouvement de solidarité s'est déployé
de la part des habitants de la commune et des environs.
 
Dans l'après-midi, un membre du cabinet du Maire est venu à la rencontre des
familles, leur proposant 3 jours d'hébergement en hôtels sur le département
ou dans d'autres banlieues lointaines. Alors que leurs enfants sont
scolarisés sur Montreuil. Les familles ont refusé la proposition estimant
que leur situation resterait précaire. Le représentant de la mairie les a
très clairement menacés d'une intervention policière afin de nous évacuer.
Dans cette éventualité, les familles et les soutiens ont décidé de se
barricader dans la salle d'activité de la Maison de quartier.
 
L'intervention commença vers 20 heures quand, à coup de bélier, les CRS
défoncèrent la porte. Alors que nous nous tenions un peu en retrait en
scandant des slogans contre les expulsions, ils nous encerclèrent et, après
avoir renversé, jeté en l'air les sacs des familles, les tables du Centre et
la nourriture qui s'y trouvait, ils ont commencé à nous repousser vers la
sortie. Inquiets pour les femmes et les enfants qui s'étaient réfugiés dans
la cuisine, porte fermée, nous avons résisté sans violence en nous mettant
en chaîne afin d'être témoin de leur sort, vu la violence de l'intervention.
En vain.
 
J'ai été projeté à terre et piétiné. J'ai eu beaucoup de mal à me relever.
Pour activer le mouvement, un CRS a levé sa matraque, mais un gradé lui a
fait signe de ne pas frapper. Il m'a dit : " Ça va, Monsieur ? " puis il m'a
pris par le bras et m'a dirigé vers la porte tandis que mes compagnons
étaient évacués très brutalement vers la cour, les uns après les autres ou
par petits groupes.
 
Je me trouvais isolé et un des derniers.
J'ai été poussé dans la cour entre deux rangs de CRS. À mi-distance de la
grille, j'ai essayé de parler au commissaire que j'avais vu le matin
procéder à l'évacuation du passage du Gazomètre pour lui rappeler la
présence d'enfants dans le local.
 
Il m'a dit : " C'est ça, c'est ça. Dégage ! "
J'ai aussitôt tourné les talons, c'est alors que j'ai reçu un coup de poing
sur le nez et un violent coup de matraque sur le côté gauche de la tête. Je
suis tombé à la renverse sur des grilles renversées. On m'a relevé, la tête
en sang et j'ai dû perdre momentanément conscience.
J'ai été soutenu par deux personnes qui m'ont emmené m'asseoir au café le
plus proche où l'on a épongé le sang qui m'aveuglait et appelé les pompiers
qui m'ont emmené à l'Hôpital de Montreuil avec ma femme.
 
Premier bilan : une côte cassée, la paupière gauche recousue, fractures du
nez et multiples.
 
 
Tout ça ne serait pas grave.
Et pourtant !
Si je porte plainte, les instances du Ministère de l'Intérieur se
retourneront contre moi. On pourra prouver que moi, homme à cheveux blancs
âgé de 68 ans et invalide à 80 %, j'ai sauvagement agressé d'honnêtes
gardiens de la paix dans l'exercice de leur devoir. Un travail comme un
autre. Au point que certains d'entre eux bénéficieront probablement d'arrêts
de travail pour l'occasion.
 
Pour ma défense, en garantie de moralité, je ne pourrais que faire état de
ma douteuse qualité de cinéaste et écrivain, mentionnant, entre autres
travaux, ma modeste contribution à Dupont-Lajoie l'un des films qui attira l
'attention de mes concitoyens sur la recrudescence du racisme dans la doulce
France. De toute façon, cela ne pourrait avoir qu'un faible impact : les
machines à décerveler étant aux mains du Pouvoir, celui-ci sera vite digéré.
Aussi prenez garde.
 
 
En 1942, après avoir traqué les Juifs, la police française s'en était pris
aux autres. En 2005, après les personnes à la peau bronzée, viendra notre
tour. Faut-il absolument que la farce sinistre se répète ?
Mais c'est déjà commencé, je crois vous l'avoir montré.
 
Rappelons-nous toujours les mots du pasteur allemand Niemöller :
 
" Quand on est venu arrêter les catholiques, je n'ai rien dit, parce que je
n'étais pas catholique. Quand on est venu arrêter les juifs, je n'ai rien
dit parce que je n'étais pas juif. Quand on est venu arrêter les
communistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas communiste. Quand on
est venu arrêter les socialistes, je n'ai rien dit parce que je n'étais pas
socialiste. Quand on est venu me chercher, il n'y avait plus personne pour
me défendre. "
 
 
Pour notre ministre de l'Intérieur, fils d'émigré de fraîche date, il n'est
pas bon être étranger. Chaque semaine, de nouveaux charters s'envolent à
tire-d'aile pour évacuer Africains, Maghrébins, Skri-lankais et autres
sujets à peau bronzée. Pour l'adepte du Karcher, qu'importe si ceux qui
restent vivent avec leurs enfants dans la terreur, dans l'angoisse d'une
rafle et à la merci d'employeurs indélicats. Nous attendons l'aurore d'une
nouvelle Résistance. Quelques Français se sont déjà levés. Ils savent que s'
ils ne font pas, ce pourrait être bientôt leur tour.
Ça l'est déjà.
 
 
Jean-Pierre Bastid
 
 


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