lettre ouverte à Guy Moquet
Paris, le 02 octobre 2007
Cher Guy,
Tu es sans doute plus habitué à entendre lire ton courrier qu’à recevoir des lettres. N’empêche, vu l’enthousiasme que génère ta prose ces derniers temps, ça doit t’affoler outre-tombe.
Résistant, militant communiste, tu as bien dû grincer des dents lorsque notre tout frais Président t’érigea en symbole le jour de son investiture, et fit lire la fameuse lettre que tu as écrite à ta mère la veille de ta mise à mort. Une lecture qui sera renouvelée dans chaque classe, à chaque rentrée scolaire, on va bien se marrer à l’école !
On ne s’étonnera pas d’une pareille récupération de la part du Président en question. Et il est vrai que sur fond de travail de mémoire et blablabla, tout ça pouvait encore avoir un peu de sens. Même si le texte en question est à mon sens plus révélateur de ta propre dignité face à la mort, que de ta vision patriote (tu m’accorderas ce petit jugement personnel, nous en reparlerons peut-être un jour tout là-haut, mais pas trop vite quand même…).
Comme le ridicule ne tue pas, voilà que notre futur Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, et actuel entraîneur de l’Equipe de France de Rugby, a fait lire ta lettre à son équipe le jour de l’ouverture de la Coupe du Monde. J’aimerais comprendre comment on peut avoir l’idée de faire l’amalgame entre une rencontre de sport, et la mort d’un gamin de seize ans sous les balles nazies. Vive le sport, Monsieur Laporte, mais s’il vous plaît, fermez-la !
Enfin, comble du ridicule, mon pauvre Guy, pour les Journées du Patrimoine, on a exposé côte à côte deux originaux de ta fameuse lettre. La bonne blague : deux originaux, grosso modo, ça doit bien faire un de trop. Mais que veux-tu, on n’avait pas pris le temps d’expertiser les documents avant que tu ne sois propulsé au rang de star médiatique. Rassure-toi, ça ne devrait plus trop tarder.
J’espère en tout cas que toute cette agitation ne perturbe pas trop ton éternel repos…
Arno.V.